La Révolution et le premier XIXe siècle
Grâce au docteur Larrieu les cahiers de doléances des villages de Soule de 1789 ont été publiés. On y comprend que les idées des Lumières se sont diffusées jusque dans cette province éloignée. On y lit surtout un fort attachement aux libertés locales. Mais que pèsent les 25000 souletins et leurs représentants dans les bouleversements que vit la France à partir de 1789 ? La révolution abolit les privilèges ; les libertés des Souletins disparaissent sans bruit. Quelques années plus tard, ils subissent une réorganisation de l’État décidée loin de chez eux. Même si dans le nouveau département des Basses-Pyrénées, Mauléon est Sous-préfecture pour tout le Pays basque intérieur (jusqu’en 1926), c’est à Pau désormais que se prennent les décisions au niveau local. C’est là que réside le préfet, tout puissant représentant de l’État à partir du gouvernement de Napoléon Bonaparte. Dans ces années troublées, l’ancienne province est peu touchée par les violences : quelques dizaines de suspects et d’émigrés, une seule victime de la Terreur. Les rumeurs de guerre, le passage de représentants en mission sèment l’inquiétude comme le montre la curieuse inscription à la porte d’entrée de l’église d’Ossas, mais les armées stationnent plus à l’ouest. L’État réclame des hommes pour servir sous les drapeaux. Le refus du service militaire s’organise. Comme dans le reste du Pays Basque l’insoumission reste massive pendant une grande partie du XIXe siècle.
La vie politique est devenue bien monotone au début de XIXe siècle. Le peuple n’a plus la parole et ce sont les notables qui dominent : grands propriétaires, serviteurs de l’État, représentant des vieilles familles aristocratiques que la Révolution a généralement épargné. Comme dans beaucoup de régions, l’action de ces personnalités associe service de l’État, respect de l’ordre établi et restauration du catholicisme. Toutefois la tradition contestatrice ne disparaît pas. Le meilleur représentant en est le poète Pierre Topet Etxahun (1782 1862) qui dans ses vers critique durement les notables de son village : Barcus. Cet esprit rebelle se manifeste lors des « émotions populaires » qui précèdent et accompagnent la Révolution de 1848. L’écrivain romantique Augustin Chaho né à Tardets (1811 1858) se fait le défenseur du peuple au Conseil Général et dans ses publications. A la fin du XIXe siècle, beaucoup de villages ont leur minorité « rouge » républicaine et anticléricale opposée à la majorité « blanche » conservatrice et catholique.

Entrée de Tardets dessinée en 1833 par Eugène Viollet-le-Duc
L’économie traditionnelle ne connaît guère d’évolution. La Soule coupée de ses relations traditionnelles avec l’Espagne par une frontière de plus en plus surveillée, et très mal reliée au reste de la France, végète. Mauléon réunie à Licharre en 1841 n’arrive pas à dépasser les 1500 habitants. En 1855, le choléra y fait des ravages. Barcus dépasse les 2000 habitants au milieu du siècle, Larrau et Sainte Engrâce les 1000. Dans ces villages surpeuplés où même les versants de collines les plus ingrats sont mis en culture, la misère est un spectacle courant et les pauvres ont faim.
Mais à cette date une autre révolution silencieuse a commencé qui a contribué à éviter l’explosion sociale. A partir de 1840 des hommes et des femmes sont de plus en plus nombreux à quitter leurs villages. Comme dans le reste du Pays basque intérieur, en Béarn et en Bigorre, ces migrants ne vont pas en France, mais pour l’essentiel en Amérique. L’Argentine, l’Uruguay en ont accueilli le plus grand nombre au XIXe siècle. L’ouest des États Unis devient une destination importante au XXe siècle. On peut estimer à plus de 10 000 le nombre de Souletins expatriés jusqu’en 1914. Cette vaste migration a été présentée comme une belle aventure pleine d’argent et de succès. Un certain nombre de Souletins sont en effet revenus riches au pays natal tel Léon Uthurburu de Barcus. Mais pour la plupart le grand voyage est un déchirement, suivi d’années de solitude et de vie difficile.
La population commence à diminuer du fait de l’émigration, mais le principal bouleversement dans les villages est le recul et parfois la disparition des catégories sociales les plus modestes : les paysans sans terre, les tisserands les charbonniers et les employés des forges peu à peu ruinés par l’arrivée des produits de la grande industrie, les colporteurs et marchands ambulants Les villages sont désormais peuplés majoritairement de familles de paysans petits et moyens propriétaires, dirigés par quelques familles de notables et le curé.
R.E.
Précédent : la fin de l’Ancien Régime Suivant : la III° République