IKERZALEAK

Etude, promotion et sauvegarde du patrimoine de la province de Soule en Pays Basque, de la préhistoire à nos jours

Au temps de la IIIe République : 1870-1940

Beaucoup de Souletins vivent jusqu’au début des années 1950 comme au XIXe siècle. L’économie rurale traditionnelle n’évolue que très peu. C’est un système de polyculture associant culture et élevage transhumant. Une bonne partie de la production est consommée à la maison même (y compris les châtaignes), une faible part vendue sur les marchés locaux. La mécanisation est très limitée et l’industrie agro-alimentaire fait de timides débuts après 1900. L’émigration vers l’Amérique et la Guerre de 1914-1918 en privant les villages d’une partie de leurs habitants -les jeunes en particulier- contribuent à figer l’économie et la société villageoise. Cette époque est regardée parfois avec nostalgie : en ce temps là au moins les villages étaient peuplés. Mais qui voudrait revenir aujourd’hui au niveau de vie de nos ancêtres?

C’est à Mauléon qu’ont lieu les bouleversements les plus marquants avec le développement d’une industrie de l’espadrille. Vers 1850 : huit « fabricants » d’espadrille achètent la matière première (toile
et tresse de jute) la font travailler à des ouvriers à domicile et revendent les produits finis, dans la région mais aussi au delà jusqu’en Argentine. Vers 1880, l’ère industrielle fait irruption à Mauléon avec la création des premières grandes usines dotées de machines et d’un personnel nombreux. L’espadrille est produite en masse pour les mineurs du nord de la France. C’est les temps des entrepreneurs audacieux aux débuts auréolés de légende comme Pascal Cherbero, le plus puissant industriel de la ville avant 1914.


Montage de la toile sur la semelle. Photo prise après 1900.

Les familles Béguerie ou Bidegain constituent de véritables dynasties d’industriels. Dans les années 1930-1950, la personnalité marquante est René Elissabide l’homme aux multiples idées et aux faillites
nombreuses. La réussite de cette industrie tient beaucoup au travail acharné de milliers de travailleurs souvent très mal payés. Mauléon attire des centaines d’émigrants venus de la Navarre et de l’Aragon. Chaque automne la ville voit arriver les « hirondelles », jeunes Navarraises et Aragonaises venues faire la saison. Ces ouvriers doivent s’entasser dans les vieilles maisons de la Haute Ville ou dans la « ville en bois » qui est un vrai bidonville. Le paternalisme des patrons n’atténue que peu l’inégalité des conditions de vie.

Mauléon n’est plus une petite bourgade endormie, mais une ville en pleine expansion qui compte 4700 habitants en 1911. Entre 1880 et 1900, le paysage urbain se transforme profondément avec la construction des usines, d’une gare en 1887, d’une nouvelle église inaugurée en 1885, de magasins, de cafés. La ville est une des premières électrifiées du département en 1891.

Mauléon du début du XXe siècle présente des contrastes saisissants : ville industrielle et ville moderne mais aussi marché ou se rassemble le monde rural basque. Comme les autres villes et bourgs du pays basque c’est une véritable métropole religieuse : un couvent, trois écoles catholiques, une église refaite à neuf, un clergé nombreux assurent une présence forte du catholicisme.

Toutefois, les idées républicaines et laïques progressent. On vote plus républicain et plus à gauche à Mauléon et dans les cantons souletins que dans le reste du Pays basque, du moins jusqu’en 1914. Le pouvoir local reste aux mains des mêmes familles de notables auxquelles se sont ajoutés les industriels les plus en vue. Après 1918, la personnalité du député nationaliste et d’extrême droite Jean Ybarnegaray domine la vie politique locale. Dans le même temps une gauche plus radicale émerge. En mars 1917 et janv. 1918, les ouvriers de l’espadrille avaient déclenché des grèves contre la vie chère. Le vote socialiste progresse, la C.G.T, une section du parti communiste voient le jour dans les années 30.

A la fin des années 30, la Soule est confrontée à la grande tragédie qui commence à s’abattre sur l’Europe. Cela commence par les échos de la guerre d’Espagne. Elle est si proche géographiquement qu’en 1936 on entend tonner en montagne les canons de la bataille d’Irun. Des dizaines de réfugiés viennent à Mauléon pour fuir la répression franquiste.
Face à ses drames l’opinion locale est très divisée. Si certains (en particulier dans la population ouvrière de Mauléon) ont des sympathies pour les Républicains, une grande partie des notables et du clergé les considèrent comme des « rouges » et soutient Franco. Le député Ybarnegaray s’oppose à l’installation d’un camp de réfugiés dans sa circonscription.

Il sera crée en 1939 quelques kilomètres plus loin, à Gurs…

R.E.

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